Le prix de la propriété féminine

Récemment, je me suis soumise à un audit visant à valider que je suis actionnaire majoritaire à plus de 51% de mon entreprise. Je suis en fait très fière de toujours détenir 75% de l’actionnariat et d’être la principale dirigeante de l’entreprise que j’ai fondée il y plus de 18 maintenant.

Me soumettre à cet exercice après tant d’années a suscité de nombreuses questions autour de moi et surtout plusieurs constats sur ce que cela impliquait d’être une femme-mère en affaires et les défis particuliers associés à cette réalité. Prétendre que les opportunités sont les mêmes ou que la gestion de l’entreprise soit abordée de la même manière qu’un homme est faux selon moi. Je vous explique ma pensée sur le sujet dans cet article.

Certification Women Owned

Yé! J’ai obtenu ma certification Women Owned le mois dernier! Ce processus fut long et rigoureux et la quantité de documents à soumettre supérieure à ce qu’on nous demande pour d’autres certifications, mais pourquoi donc?

J’avais déjà entendu parlé d’un programme qui se voulait facilitant pour donner un accès aux contrats des grands donneurs d’ordres (gouvernement, grandes corporations multinationales, etc)… Pour avoir accès à ce réseau en revanche, il fallait payer une cotisation annuelle… donc un coût, simplement pour prouver qu’elle appartient à une femme et lui donner accès à un marché potentiel.

Il y a une dizaine d’années, je n’ai pas cru que l’investissement en valait la chandelle. Le retour me semblait incertain et je craignais de ne pas être en mesure de compétitionner au niveau des conditions commerciales avec d’autres entreprises de mon secteur pour des contrats.

Mais qu’est-ce que c’est cette certification au juste? C’est une confirmation vérifiée et auditée que l’entreprise est bel et bien détenue en majorité par une femme, et que c’est une femme la principale personne décisionnelle dans l’organisation.

Les entreprises certifiées ont ensuite accès à tout un réseau de grandes sociétés privées et publiques qui ont mis en place des politiques d’approvisionnements auprès des minorités (Diversity Sourcing Policies). Aux États-Unis, cela est même encouragé par l’octroi de crédits d’impôts pour l’atteinte de certaines cibles annuelles : vous comprendrez alors l’importance d’organismes certificateurs indépendants pour assurer l’intégrité du processus.

Le tout vise à créer une économie plus inclusive et plus équitable en donnant une chance à tous les joueurs… pas toujours aux mêmes entreprises qui gravitent autour de ces marchés lucratifs et bien établis.

Assumer au grand jour

Bref, j’ai décidé d’assumer ma différence, de mettre de l’avant le fait que mon entreprise est dirigée et détenue par une femme. Il y a 18 ans, je n’aurais jamais eu cette confiance, d’autant plus que je sentais pressément le besoin de m’associer à d’autres pour rehausser ma crédibilité.

Il est difficile de se convaincre qu’on a la légitimité de réussir alors qu’on ne connaît strictement rien au milieu des affaires et encore moins de la transformation alimentaire! Mais j’ai appris, sur le tas (et parfois sur le gros tas 😊) et j’ai survécu à mon ignorance et à mes nombreuses maladresses sans y perdre trop de plumes et sans faire faillite surtout!

Ce que j’espère avec cette nouvelle certification dont le coût annuel s’ajoute à tant d’autres (Bio/Eccocert, Grains Entiers, Sans gluten, Aliments du Québec, Kasher, Non-GMO Project, etc.), c’est de participer à un mouvement de conscience sociale générale : Non, ce n’est pas la même chose d’être un homme ou une femme seule à la tête d’une entreprise (ni le fait d’être une minorité visible et encore moins une minorité visible féminine)!

Les ambitions ne s’expriment certes pas de la même manière, mais la charge mentale féminine est aussi rarement prise en compte. Vous me direz que c’est mon problème d’avoir voulu des enfants, et quel privilège surtout vous dis-je! Je suis plus que choyée d’en avoir eu. Pourtant on ne dirait pas la même chose à une homme qui n’aurait pas à faire les mêmes compromis.

Les déplacements à l’extérieur du bureau, les voyages d’affaires, les conférences et salons professionnels, tous des événements qui méritent un investissement et une présence… Pourtant, la femme entrepreneur y renoncera plus facilement pour être présente auprès de sa jeune famille, et la vérité c’est que la majorité des hommes ne seront jamais prêts à assumer la charge familiale comme les femmes l’ont toujours fait par le passé pour permettre à leurs femmes de se déployer en affaires. Elles doivent donc s’organiser pour concilier leurs propres ambitions d’une manière qu’un homme n’aurait jamais eu à le faire.

En conclusion, seul le temps nous dira si cette démarche de certification aura une portée sociale et financière bénéfique pour l’entreprise. Mais une chose est certaine, malgré le niveau de difficulté phénoménal associé au fait de donner naissance à une compagnie… puis à 3 enfants (à deux ans d’écart entre chacun), et de concilier le tout, le retour sur investissement en satisfaction personnelle est assuré, et même dirais-je, garanti!

Panier
Scroll to Top