Bien s’entourer et chercher de l’aide

Un article de la journaliste Jessica Bruder paru en 2003 The Psychological Price of Entrepreneurship | Inc.com résume bien un phénomène à la fois discret et préoccupant associé à la pression de performer et de réussir que peut ressentir un entrepreneur.

Le poids de la peur de l’échec… au féminin

S’il est vrai que ce dernier est prêt à assumer la part de risques associée à son aventure, il est loin de pouvoir s’imaginer toutes les ressources affectives qui devront être déployées en cours de route.

Plus spécifiquement, lorsqu’il s’agira de maintenir à flot son entreprise lorsqu’il sera confronté à des épreuves qui lui paraîtront, par moment, presque insurmontables. Ceci s’avère d’autant plus exacerbé en contexte d’intense croissance ou de ralentissement associé à une pandémie, par exemple.

Dans un monde où on entend un peu trop souvent le mantra: Fake it until you make it (Fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives), il y a peu d’importance accordée à l’authenticité, à la vulnérabilité et à l’échec surtout. Mais il est impératif que l’entrepreneur puisse s’exprimer librement, sans avoir peur du jugement, sans craindre d’y perdre sa crédibilité. Ceci est d’autant plus vrai pour une jeune femme entrepreneur qui doit redoubler d’effort pour asseoir sa crédibilité.

Anxiété, nuits blanches et…maternité

La perspective de tout perdre est une source massive d’anxiété et de désespoir pour un entrepreneur, je le sais trop bien et cela m’a inspiré à faire des choix en cours de route sur la manière dont je voulais m’exposer au risque. J’ai moi-même souvent été confrontée à des doses massives d’anxiété, de l’insomnie chronique et du découragement, trop souvent confrontée à la peur de voir tout s’écrouler, surtout dans les premières années.

Ceci s’est aussi avéré le cas lors de mes grossesses, ou post accouchement. Avec l’arrivée de mes enfants est venu un important sentiment de perte de contrôle et de vulnérabilité généralisée, surtout au premier bébé. Même si cela m’arrive encore parfois d’avoir des nuits blanches, plus souvent causées par mes enfants que mes préoccupations professionnelles du moment, je comprends aujourd’hui que personne n’est à l’abri d’une perte de confiance en ses capacités ou au cynisme qui peut s’installer après avoir rencontré d’innombrables obstacles.

Aucun entrepreneur n’est à l’abri des problèmes de personnel, d’un manque de liquidités, de la perte d’un client, de conflits entre actionnaires, etc. Imaginez-vous par surcroît si vous vivez une précarité financière, une grossesse difficile ou une période prolongée de pandémie… Voilà un cocktail parfait pour s’exposer à des problèmes de santé mentale.

L’aide qui contribue à nourrir notre résilience

Bien-sûr, le fait de réussir à surmonter des obstacles augmente notre sentiment de confiance en soi, en notre capacité à se sortir des épreuves. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’on les accueillera avec joie : Yé! un nouveau problème, j’ai hâte de voir comment je vais être en mesure de le résoudre et à quel point je suis bonne!

Chaque personnalité est unique et les expériences du passé vont souvent influer sur notre première réaction à l’adversité et les mécanismes qui seront automatiquement déclenchés pour faire face à la situation problématique.

Ainsi, comme la plupart des gens, j’ai souvent eu besoin de ventiler mes soucis, mes craintes, mes frustrations pour pouvoir ensuite me remettre sur les rails de la résolution de problèmes.

Que ce soit à un associé ou collaborateur de confiance, un mentor, un coach d’affaires, une comptable ou même un psy, toutes les occasions d’exprimer le ressenti pour pouvoir ensuite transférer l’attention sur l’action sont valables.
Il ne faut pas avoir peur de se montrer vulnérable, d’exprimer son sentiment d’incompétence ou son désarroi… au contraire, le fait de l’exprimer peut ensuite nous mener vers un dialogue constructif et nous sortir de nos émotions pour se concentrer sur la solution.

Par ailleurs, selon des chercheurs, il semblerait que les entrepreneurs soient de nature plus sensible aux variations d’humeur d’où l’importance de pouvoir se confier à quelqu’un :

According to researchers, many entrepreneurs share innate character traits that make them more vulnerable to mood swings. “People who are on the energetic, motivated, and creative side are both more likely to be entrepreneurial and more likely to have strong emotional states,” says Freeman. Those states may include depression, despair, hopelessness, worthlessness, loss of motivation, and suicidal thinking. – Source: The Psychological Price of Entrepreneurship | Inc.com

Une personne qui comprend quand personne ne comprend…

Se confier, mais pas à n’importe qui… La vérité c’est que peu de personnes sont en mesure de vraiment saisir le quotidien d’un entrepreneur, surtout s’ils n’ont pas eux-mêmes marcher dans de tels souliers.

Beaucoup prétendent pouvoir aider mais peu comprennent vraiment le fardeau et le stress psychologique associés à ce choix de vie. Malgré qu’on puisse choisir d’en parler aux membres de sa famille ou à ses amis, rare sont ceux qui vont réellement comprendre et offrir des pistes constructives.

Au contraire, souvent les gens vont même proposer à l’entrepreneur d’abandonner son périple car ils considèrent que celui-ci se fait inutilement violence et qu’il pourrait choisir une avenue plus simple au niveau professionnel et avec des meilleures conditions (comme eux).

Ainsi, ils ne comprennent pas que l’entrepreneur ne se fait pas souffrir par plaisir, mais qu’il exprime plutôt sa nature profonde, un besoin inné de créer/bâtir. Surtout, il cherche à relever un défi d’envergure et rien n’est accompli sans d’importants efforts et de nombreux sacrifices.

Ce passage est donc nécessaire et va non seulement aider l’entrepreneur à bâtir sa résilience, mais aussi lui apprendre à se connaître et à comprendre ses propres limites. Il a donc besoin de quelqu’un à qui se confier qui pourra comprendre ses états d’âmes (propres à sa personnalité mais aussi à son cheminement particulier) et qui va l’encourager à poursuivre tout en l’assistant à orienter sa réflexion sur les meilleures solutions en mettre en place pour résoudre un problème.

L’importance du réseau entrepreneurial

Dans les années précaires du prédémarrage et du démarrage j’ai reçu l’appui de nombreuses personnes, dont deux mentores qui possédaient elles-mêmes leur propre entreprise en transformation alimentaire.

J’ai aussi développé des liens avec de nombreux jeunes entrepreneurs pour échanger sur nos problématiques communes et cela m’a permis de me sentir moins seule. Au fil des ans, j’ai fait appel à un coach (pendant une dizaine d’années) qui a joué un rôle de thérapeute d’affaires si je peux le dire ainsi. Une relation où je pouvais exprimer mes insécurités, mes frustrations et prendre le recul nécessaire pour permettre à l’entreprise de surmonter les nombreux obstacles en cours de route.

Je n’ai jamais hésité à aller chercher de l’aide et me montrer vulnérable avec des gens envers lesquels j’avais confiance. À l’époque je croyais que c’était une faiblesse. Aujourd’hui, je comprends que c’était au contraire une force qui m’a permis de poursuivre mon parcours entrepreneurial depuis presque vingt ans maintenant, sans relâche et avec assiduité. Et vous, avez-vous quelqu’un de confiance à qui vous osez vous confier?

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