Opérer dans l’incertitude

Plusieurs fois dans le passé, j’ai dû composer avec des situations ambiguës et des finances précaires. J’ai dû faire preuve de résilience face à la possibilité de ne pas passer à travers plusieurs crises à différents moments de mon parcours entrepreneurial. Toutefois, rien ne pouvait me préparer au COVID-19…

Au moment d’écrire ces lignes, je suis consciente d’être parmi les entreprises privilégiées qui peuvent continuer à exercer leurs activités car étant considérées comme étant dans un secteur essentiel. Je suis très reconnaissante sur ce point. Je suis aussi très chanceuse de pouvoir compter sur mon équipe, tant celle qui s’affaire à poursuivre les activités de production que celle en télétravail qui fait de son mieux pour concilier cette nouvelle réalité à domicile, et pour certains cela veut dire travailler tout en s’occupant de jeunes enfants.

Même si mon entreprise est toujours en opération, je suis exposée à des risques d’affaires et j’ai vu certains segments de mon entreprise affectés, le HRI notamment. Comme plusieurs, je devrai composer avec la possibilité d’enregistrer des mauvaises créances, de voir des nouveaux référencements en magasin reportés, de suspendre le lancement de ma nouvelle gamme pour une période indéterminée, d’annuler ou de reporter des activités promotionnelles diverses… Bref, de composer avec les conséquences de la crise, sur les différents aspects de l’entreprise. Il est certain que je m’en fais également pour la santé de mon équipe de production qui doit se côtoyer au quotidien et se déplacer sur le lieu de travail avec les risques que cela comporte actuellement.
Ceci dit, avec tout cela, je dois essayer d’exercer mon leadership à partir de chez moi… avec trois jeunes enfants à ma charge.

Encore une fois, je tiens à préciser que je suis consciente du privilège que nous avons mon mari et moi de pouvoir encore travailler de la maison, mais il n’en demeure pas moins que toute la famille est durement mise à l’épreuve. Les enfants sont souvent laissés à eux-mêmes, trop longtemps en pyjamas, il n’y a plus de routine, les parents sont présents mais absents à la fois… Bref, je suis constamment habitée du sentiment de laisser tout le monde tomber, tant mon équipe que mes enfants. J’aimerais pouvoir me déplacer à l’usine tous les jours, faire mes tournées de plancher habituelles, démontrer mon soutien à mon équipe. Mais j’ai dû me mettre en quarantaine au début de la crise puis ensuite j’ai eu des soucis respiratoires qui m’ont mis à risque, donc j’ai dû à nouveau me tenir à l’écart. Et lorsque je vais enfin me déplacer au bureau, c’est mon mari qui va devoir encaisser le coup et tenter de concilier l’encadrement des trois enfants et ses nombreux appels conférences quotidiens.

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Ce que je trouve à la fois beau et difficile, c’est de voir mes enfants toute la journée, j’aime les entendre jouer ensemble et être complices. J’aime voir leurs gestes d’inclusions et de bienveillances les uns envers les autres. J’aime entendre mon fils de 2 ans parler et exprimer de mieux en mieux sa pensée au quotidien. Ce que je trouve plus difficile c’est de devoir dire NON plus souvent que OUI, c’est de ne pas pouvoir cuisiner ou bricoler autant que je voudrais avec eux, c’est de négliger la qualité des repas au profit de l’efficacité ou encore de ne pas pouvoir les accompagner pour aller jouer dehors plus souvent. Surtout, c’est de ne pas pouvoir investir le temps nécessaire pour assister ma fille qui est en première année dans ses apprentissages académiques. Je fais de mon mieux pour y consacrer du temps quotidiennement, mais je n’ai jamais l’impression d’en faire assez.

Bref, ces temps-ci je cours après mes recevables et je cours après le temps… Malgré toute l’impuissance ressentie face à la situation, j’essaye de générer de bonnes idées, tant au profit de mon entreprise pour me projeter dans l’APRÈS que pour ma famille pour créer des moments de bonheur facile avec les enfants : les petites douceurs sucrées concoctées en famille, les longs bains moussants, les spectacles de dance endiablés dans le salon….

Comme c’est le cas pour la plupart des gens, mon moral est fragile, malgré la grande capacité à l’optimisme de l’entrepreneur, on n’y échappe pas, tout ça c’est plus grand que nous : Je suis craintive pour les mois à venir comme tout le monde. Mais une chose est certaine, malgré les défis associés à la réalité d’être entrepreneur et mère à la fois, je ne regretterai jamais d’avoir passé trop de temps avec mes enfants pendant ces moments difficiles. Et je ne crois pas non plus que mon équipe me le reprochera… ils savent que je ferai le nécessaire pour assurer la pérennité de l’entreprise et de leur emploi, comme je l’ai toujours fait depuis les 16 dernière années. Et je crois qu’ils savent également que je suis reconnaissante de leur contribution et de leur loyauté en ce moment, même si je n’ai pas l’occasion de leur dire au quotidien. J’imagine qu’on doit faire preuve d’une différente forme de leadership quand on doit concilier notre réalité familiale avec notre rôle de propriétaire d’entreprise : un leadership basé sur la confiance et la complicité.

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