La croissance est le but de toute entreprise à but lucratif. Pour certains chefs d’entreprises il s’agit même d’une fin en soi. Pourtant croître pose ses défis, mais présente aussi des risques auxquels il vaut mieux être préparé. Car oui, la croissance peut ironiquement vous mener à la faillite et il faut savoir anticiper les risques avant que ceux-ci ne mettent votre entreprise en péril.
La croissance organique qu’est-ce que c’est?
La croissance c’est le moteur qui permet à l’entreprise d’assurer une masse critique, c’est-à-dire la taille à partir de laquelle l’entreprise pourra être rentable et ainsi valider sa raison d’être et la poursuite de ses activités. Par ailleurs, une croissance rentable permettra à l’entreprise de financer son fond de roulement, ses investissements, son innovation, son marketing, bref ses engagements financiers…
C’est donc tout naturel qu’une entreprise cherche à croître jusqu’à atteindre son seuil de rentabilité. Mais au-delà de cette limite, qui sera différente en fonction de la nature des entreprises, la quête effrénée de la croissance du chiffre d’affaires peut faire basculer l’équilibre durement atteint de la profitabilité. L’objectif de croissance doit donc être clairement identifié et circonscrit pour optimiser les ressources que l’entreprise à sa disposition. Mais surtout, les risques de cette croissance planifiée doivent être anticipés pour ne pas en subir les conséquences.
À mes débuts, je me souviens d’avoir à maintes reprises tenté d’établir mon point mort (le moment critique où l’entreprise génère suffisamment de ventes pour commencer à générer du profit) en utilisant des outils de prévision financières élaborés. Pourtant, mon scénario de dépenses changeait constamment et ma marge de profit était irrégulière. Imprévus en production, les fluctuations de coûts des matières, les hausses de salaires, les prix de vente exigés sur le marché ou par la clientèle, etc.
J’ai donc passé beaucoup de temps à essayer de l’atteindre ce point mort fuyant, ce qui veut dire que j’ai longtemps été dans l’inconfort du rouge i.e. je perdais de l’argent… beaucoup d’argent. Pendant plusieurs années, j’ai tenté de limiter les dégâts et j’anticipais que la prochaine année serait meilleure mais la perte sur la ligne du bas s’accumulait toujours, malgré les efforts consentis et mon immense désir de colmater les fuites. Pourtant, ironiquement, mon chiffre d’affaires lui ne faisait que croître! Je n’arrivais simplement pas à contrôler mes coûts et accroître ma productivité en conséquence, mes liquidités empruntées me coûtaient très cher en intérêts. Je ne générerais pas assez de fond de roulement pour financer ma croissance et ma rentabilité était anémique sur les ventes réalisées. De plus, j’ai finalement réalisé que je ne pouvais pas me fier à mes outils de suivis car ceux-ci étaient trop limités et déficients donc je ne pouvais me fier à cette boussole pour m’indiquer quel chemin prendre et à quel point j’étais loin de l’objectif (à chaque fois que je l’ai constaté, j’étais déjà perdue…).
La croissance à quel prix?
Une phase de croissance importante va exiger de vous une plus grande attention quotidienne et un monitorage précis. Vous connaissez votre seuil de rentabilité et votre point mort? En phase de croissance importante ces seuils vont changer… continuellement! Ce sera difficile à suivre. Soyez-en conscients. Vous devrez également garder un œil sur votre personnel et vos autres ressources qui risquent rapidement de s’épuiser : érosion des ressources financières (avez-vous un trésor de guerre?), hausse de la masse salariale, bris d’équipements/ruptures d’inventaires, blessures professionnelles, burnt-out, démotivation, fatigue et risques d’erreurs plus élevés…
Il sera aussi difficile de combattre tous les feux, donc il faut choisir ses batailles et resté focalisé sur les opportunités les plus prometteuses dans sa démarche de développement. Choisir un axe de développement est donc primordial. Mais chaque choix comporte ses difficultés et ses coûts. Faut-il développer son offre ou opter pour un développement commercial plus agressif?
D’un côté agrandir sa gamme c’est supporter un plus large inventaire, diluer ses efforts de fabrication et de vente sur plusieurs produits, courir le risque que le nouveau produit ne connaisse pas le succès escompté.
De l’autre côté, le développement commercial c’est investir en frais de vente, de promotion. L’expansion géographique a souvent un impact négatif sur les profits. Pouvez-vous vous le permettre? Il faut souvent investir beaucoup pour démarrer les ventes dans un nouveau marché, avez-vous les reins assez solides pour supporter des ventes peu rentables? Pendant combien de temps? Ce genre de risque se mesure et s’évalue car il faut savoir prendre les décisions qui s’imposent lorsque les résultats ne valent pas les efforts déployés.
Vous devrez donc bien planifier les enjeux associés à votre croissance, les coûts associés, les coûts de développement marchés, frais de vente, leviers promotionnels envisagés et prévoir les plans de contingences.
Opportunité ou risque?
Contrairement à ce que l’on entend souvent dire, saisir toutes les opportunités n’est pas une bonne idée. Elles ne sont pas toutes rentables et se disperser ne permet pas de les saisir efficacement. Alors comment qualifier les opportunités et savoir saisir les occasions les plus prometteuses (et renoncer ou reporter les autres) tout en demeurant en contrôle dans la prise de risque?
J’ai déjà fait l’erreur à maintes reprises à mes débuts d’essayer de courir tous les lapins pour rentabiliser mes opérations. Et cela m’a fait perdre beaucoup d’argent.
Tout d’abord assurez-vous de la pérennité de l’opportunité. Est-ce bien intéressant de modifier toute votre chaine de production pour faire un one shot? Dans plusieurs circonstances, on ne peut garantir une 2e commande. Quelle récurrence, quel succès attendez-vous auprès d’un client donné? Quel est votre plan en cas d’échec, combien de ressources devez-vous investir et pouvez-vous vous permettre cette perte financière (avez-vous investi dans des frais fixes ou des frais variables)?
Ensuite apprenez à refuser une opportunité et ne pas céder à la pression ou l’enthousiasme de vos parties prenantes : employés, actionnaires, famille… Vous ne savez pas dire non? Lisez mon article sur ce sujet!