À différentes occasions dans la vie d’une entreprise l’entrepreneur sera confronté à la question de la valorisation de son entreprise. Que ce soit lors de l’ouverture de son capital-actions, à la venue ou au départ d’un associé, lors la prise de participation d’un actionnaire ou encore pour explorer la vente éventuelle d’une portion ou de la totalité de l’entreprise… L’évaluation de la valeur de l’entreprise sera un enjeu évidemment très important.
Alors qu’il existe plusieurs méthodes pour valoriser une entreprise, le sujet fait encore place aux illusions et il existe plusieurs idées fausses à cet égard. Le fait de regarder les émissions Dans l’œil du Dragon, Dragon’s Den et/ou Shark Tank ne fait pas de vous un expert! Une chose revient d’ailleurs très souvent dans le contexte de ces émissions : la survalorisation de l’entrepreneur de son entreprise. De plus, les paramètres qui seront pris en compte au début du cycle de vie de l’entreprise ne seront pas les mêmes lorsque celle-ci aura atteint un certain seuil de maturité. Voici ce que j’ai appris sur le sujet au fil des ans à la suite de différentes expériences (les miennes et celles d’autres entrepreneurs dans mon entourage)…
Surévaluer l’entreprise comporte ses pièges à plus long terme
On s’imagine souvent que la valeur d’une entreprise repose sur son chiffre d’affaires alors que cela n’est qu’une des variables prises en compte. Bien-sûr, le chiffre d’affaires peut exprimer le potentiel de marché et de croissance mais surtout il doit exprimer un potentiel à générer des profits. En effet, la probabilité de réaliser un retour sur investissement et le délai de ce retour sont tout aussi importants que l’envergure qu’il pourra prendre.
Et selon l’acquéreur, que ce soit une participation ou une acquisition complète de l’entreprise, la perception de la valorisation reposera sur différents facteurs. D’une part, recevoir des parts de l’entreprise représente un avantage imposable donc la valorisation a intérêt à être basse. D’autre part, si on investit dans une entreprise, le coût d’entrée a intérêt à être le plus bas possible et on espère faire fructifier notre avoir par la suite. Or, si le prix d’acquisition des actions ou de l’entreprise est trop élevé, il sera très difficile d’obtenir un retour sur investissement. D’autant plus que les actions peuvent perdre de la valeur par la suite à l’occasion d’une prochaine évaluation qui serait ajustée en s’appuyant sur des paramètres comptables plus objectifs et moins spéculatifs, comme c’est souvent le cas au démarrage par la suite. Bref, l’acquéreur a intérêt à ce que l’évaluation soit la plus basse possible alors que le vendeur veut tout le contraire, et avec raison.
Il y a donc un biais qui vient influencer le jugement de l’entrepreneur sur la valorisation réelle de son actif. Celui-ci est émotionnellement impliqué et intéressé, ce qui explique la surestimation de la valeur qui peut s’en suivre, et les nombreuses transactions qui échouent par la suite. Avez-vous pensé à ce qui pourrait arriver si vous vendez des parts à fort prix à un actionnaire et que vous souhaitez racheter ces mêmes parts quelques années plus tard, peu importe le motif ? C’est alors vous que vous serez prisonnier de votre propre surenchère et risquez de faire un mauvais investissement… Clairement, et heureusement, il y a tout de même des paramètres fiables sur lesquels on peut se reposer et des professionnels compétents pour vous guider.
La formule magique…
À travers les années et mes expériences personnelles, j’ai vu plusieurs scénarios d’évaluation d’entreprises dans mon entourage et ce, dans différents contextes. Entreprise en difficulté financière, entreprise avec entrepreneur démotivé, entreprise en pleine croissance mais avec enjeux de rentabilité, entreprise qui cherche du financement, offre de prise de participation au prédémarrage puis au démarrage, etc.
Bien-sûr, si l’acquéreur perçoit une forte synergie potentielle, il va davantage tenir compte du chiffre d’affaires qu’un autre acquéreur. Par exemple la possibilité d’intégrer les activités de l’entreprise qu’il acquiert dans ses propres opérations et donc de dégager un plus grand potentiel de profitabilité avec l’intégration. En revanche, dans le cas d’un acquéreur qui viserait exploiter l’entreprise dans son contexte actuel et simplement tenter de faire croître le chiffre d’affaires, là son évaluation va vraiment reposer sur la profitabilité potentielle.
Selon le niveau de chiffre d’affaires, la croissance des dernières années et la croissance projetée, le multiplicateur pourra varier, mais en somme voici une formule souvent employée :
(multiplicateur x BAIIA)) + salaires et avantages marginaux de l’entrepreneur
BAIIA : Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement. Son nom est assez explicite puisque cet indicateur met en évidence le profit généré par l’activité indépendamment de sa politique de financement (charges d’intérêts), de sa politique d’investissement (amortissements) et de ses contraintes fiscales
Le multiplicateur quant à lui peut varier selon le type d’industrie, le volume d’affaires, le niveau de maturité de l’entreprise, etc. À titre d’exemple, une entreprise stable mais qui affiche une faible croissance ou une décroissance peut se voir octroyer un multiple de 3 ou 4 alors qu’une entreprise à fort potentiel de croissance et avec un potentiel synergétique peut obtenir un multiplicatif de 7 ou plus!
Comme dans tout contexte transactionnel où il y a des négociations entre un vendeur et un acheteur, la motivation de chacun et les facteurs émotionnels auront une incidence sur l’aboutissement à une transaction et le prix déterminé. C’est donc très variable et subjectif également, largement une question d’offre et de demande.
Ainsi, puisqu’il existe une foule de facteurs à considérer, cette formule quelque peu simpliste peut tout de même guider les parties dans un exercice d’approximation de la valeur et à déterminer s’ils sont prêts/intéressés à s’engager dans des négociations pour la suite. Car en réalité, vendre son entreprise c’est un processus qui peut s’avérer assez compliqué et qui prend du temps… comme on aura l’occasion de le constater dans un prochain article!