Quiconque doute de la sagesse des abeilles devrait considérer qu’elles assument leur rôle pour maintenir la vie sur Terre depuis 120 millions d’années. Pourtant, nous en savons très peu sur elles. Les mélittologues (scientifiques qui étudient les abeilles) commencent tout juste à découvrir des aspects fascinants de leur physiologie, qui, s’ils étaient mieux compris, pourraient conduire à des traitements pour certaines maladies.
Vous connaissez peut-être les bienfaits médicinaux et les usages traditionnels des produits dérivés des abeilles, comme la propolis, riche en flavonoïdes et antioxydants, dotée de propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires, et reconnue comme plus efficace que les antibiotiques pour inhiber la croissance de certaines bactéries. Le miel est également un excellent conservateur grâce à sa faible teneur en eau et sa haute concentration en sucre, qui créent un environnement défavorable à la croissance bactérienne. Les personnes souffrant d’allergies saisonnières trouvent aussi un soulagement dans une cuillère de miel local contenant le pollen des mêmes plantes, ce qui atténue les symptômes.
Nous pourrions discuter de nombreuses avancées prometteuses offertes par la gelée royale, la propolis, le miel ou la mélittine (contenue dans le venin d’abeille), mais concentrons-nous sur une étude particulière qui illustre combien nous avons encore à apprendre des abeilles et combien de temps il nous reste pour les sauver.
En 2012, un groupe de scientifiques a cherché à savoir si les cerveaux hautement adaptables de ces apprentis hors pair possédaient une plasticité, et si les abeilles plus âgées pouvaient apprendre les tâches habituellement confiées aux jeunes. Lorsqu’ils ont retiré ces dernières, comme on pouvait s’y attendre, les “aînées” de la colonie ont pris le relais. Quelque chose de révolutionnaire s’est produit : après dix jours, la moitié d’entre elles ont non seulement amélioré significativement leur capacité à apprendre de nouvelles tâches et arrêté le processus de vieillissement, mais elles ont en fait commencé à inverser leur vieillissement. La structure moléculaire de leur cerveau avait changé : deux protéines étaient apparues, l’une également présente chez l’humain et connue pour prévenir la perte de mémoire, et une autre, une protéine “chaperonne”, qui protège les protéines des dommages causés par le stress cellulaire.
Cette étude a lancé des recherches pour développer un médicament pouvant aider les humains à maintenir leurs fonctions cérébrales et prévenir les démences liées à l’âge. Ce traitement pourrait être disponible d’ici 30 ans, si tout se passe bien.
Pendant ce temps, d’autres tests ont montré que les niveaux jugés sûrs d’exposition aux pesticides pour les Canadiens sont en réalité hautement toxiques pour les abeilles. Les abeilles qui ingèrent même des quantités infimes subissent des problèmes de vol et de navigation, une sensibilité gustative réduite, un apprentissage plus lent de nouvelles tâches, et une perte d’odorat, ce qui nuit à leur capacité de butinage et à la productivité de la ruche. Des recherches récentes ont démontré que l’odorat peut servir d’indicateur puissant pour la récupération de souvenirs autobiographiques, altérés chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Nous avons tant à apprendre et de nombreuses façons de tirer profit des abeilles, mais il pourrait être trop tard. Une fois que les abeilles sauvages disparaissent, elles sont perdues à jamais.